Lors de son discours de politique générale, en mars dernier, Pierre Frogier, le président de l’assemblée de la province Sud, avait annoncé « un vaste plan porteur de propositions novatrices et audacieuses » pour la jeunesse. Le temps est venu pour la collectivité de passer à l’action.
« Nous, on veut profiter de la vie tout de suite. On ne sait pas où on sera et ce qu’on fera demain. » Cet état d’esprit, de nombreux jeunes le partagent aujourd’hui. Et de plus en plus tôt. Face à cette nouvelle forme de désespérance, les élus de la province Sud ont décidé de lancer un programme d’actions spécifiques pour redonner à la jeunesse des raisons de se battre. « Dans un territoire où la moitié de la population a moins de 25 ans et dans une province qui accueille une grande partie des jeunes des deux autres provinces, c’est une nécessité et une obligation », précise Pierre Frogier. Avec une préoccupation majeure : « Ne laisser personne au bord du chemin. » Les jeunes Calédoniens n’échappent pas à la tendance mondiale qui frappe leur catégorie d’âge. Ils n’ont plus de repères et de valeurs sur lesquels s’appuyer. Ils ont des difficultés à trouver leur voie et donc à choisir une formation, à trouver un emploi et encore plus à se loger. Résultat, nombre d’entre eux adoptent des conduites à risque (alcool, drogue, délinquance…).»
Donner aux jeunes des raisons d’espérer
Martin Hirch, ancien haut-commissaire à la jeunesse devenu président de l’Agence du service civique, a bien résumé l’enjeu qui attend aujourd’hui les décideurs politiques : « La crise économique, la crise sociale, la crise écologique et la crise des valeurs montrent que le moule se fissure. Ce n’est pas dans ce moule qu’il faut faire rentrer les jeunes. C’est sur les jeunes qu’il faut compter pour transformer le moule. » Et pour cela, il faut donner aux jeunes les moyens à la fois de s’épanouir et de s’exprimer. La province Sud entend donc agir sur plusieurs axes. En matière de scolarité tout d’abord. L’année 2010 a été annoncée comme celle de l’accompagnement éducatif. La collectivité veut aller plus loin en lançant des internats d’excellence. Ce dispositif s’adresse à des collégiens, lycéens et étudiants motivés qui ne bénéficient pas d’un environnement favorable pour réussir leurs études. Il vise à promouvoir l’égalité des chances et la mixité sociale en favorisant « la construction de parcours sécurisés vers l’excellence ». Pour le mettre en place localement, trois pistes sont envisagées : la transformation d’un centre d’hébergement privé à Nouméa, l’évolution d’un internat public provincial en brousse ou la construction d’un internat provincial dans l’agglomération.
Travailler en concertation avec les entreprises
Autre piste de travail, les écoles de la deuxième chance. Ces établissements ont pour vocation de proposer des formations à des personnes de 18 à 25 ans dépourvues de qualification professionnelle ou de diplôme. Avec pour objectif final d’assurer l’intégration sociale et professionnelle de jeunes n’ayant accompli que le premier cycle de l’enseignement secondaire. Dans ces établissements, l’accent est mis sur la maîtrise des savoirs fondamentaux (lecture, écriture, calcul, informatique, langue étrangère) et sur la formation en alternance. La scolarité dure entre six et vingt-quatre mois et le jeune est rémunéré au titre de la formation professionnelle. L’ambition est d’engager un réel partenariat avec les entreprises locales pour répondre aux enjeux du marché de l’emploi.
En Métropole, ces écoles sont regroupées au sein d’une association, Réseau E2C France, chargée notamment de délivrer le label E2C aux établissements se conformant aux critères définis par le cahier des charges. En province Sud, la création d’une association susceptible de rejoindre le réseau est en cours.
D’autres actions sont prévues, comme la mise en place du service civique. L’Agence du service civique devait d’ailleurs examiner la démarche initiée par la province Sud, à charge pour elle de déterminer le montant des indemnités allouées aux volontaires et pour la Nouvelle-Calédonie de définir les aspects liés à la couverture sociale et aux exonérations fiscales. Concrètement, il s’agit pour les jeunes d’effectuer une mission d’intérêt général de six à douze mois auprès d’une personne morale agréée par l’Agence du service civique dans le cadre de domaines d’actions tels que la solidarité, l’environnement, le sport ou le soutien scolaire…
Pour aller plus loin… www.fondatione2c.org www.service-civique.gouv.fr/ http://www.education.gouv.fr/cid50541/internats-d-excellence.html http://www.justice.gouv.fr/bulletin-officiel/dpjj89b.htm |
Alexandra Pasco, élue chargée de la jeunesse
« En Métropole, les étudiants calédoniens sont considérés comme des étrangers »
Il y a trois ans, Alexandra Pasco étudiait encore en Métropole. L’élue raconte son expérience de jeune Calédonienne expatriée.
« Quand on vient de Nouvelle-Calédonie et qu’on arrive en Métropole, on est un peu noyé dans la masse globale des étudiants, surtout quand on étudie en province. » De son expérience d’étudiante, Alexandra Pasco garde un souvenir mitigé. « Je me suis souvent demandé à quoi servait la Maison de la Nouvelle-Calédonie pour les jeunes comme moi. » Elle suivait alors une première année de master ingénierie en écologie et gestion de la biodiversité à Montpellier. « Sur place, on n’avait pas vraiment de contacts entre Calédoniens. » Mais ce qui l’a le plus choquée, « c’est d’être considérée comme une étrangère par le prestataire chargé de gérer les bourses des Calédoniens alors que j’étais boursière de la province Sud et donc Française ». Alors, aujourd’hui, la jeune élue est plutôt ravie de voir que la Maison de la Nouvelle-Calédonie va gérer les étudiants calédoniens en direct. « La province Sud initie la démarche et se sert de l’outil MNC pour faire avancer les choses. » Concrètement, il ne sera plus fait appel à un prestataire extérieur. Deux personnes vont être embauchées pour s’occuper des bourses des étudiants calédoniens certes, pas seulement. A terme, l’idée est de réaliser un répertoire des étudiants, de les amener à avoir des liens entre eux et aussi et surtout d’avoir un suivi de ces jeunes, aussi bien en termes de cursus que de carrière professionnelle.
Fédérer les jeunes Calédoniens
« Actuellement, on est incapable de dire ce que les jeunes du pays deviennent, s’ils terminent leurs études, s’ils travaillent et où. » Au-delà des chiffres, la démarche de la province Sud tend surtout à fédérer les étudiants calédoniens de Métropole. Et à créer une vraie dynamique en organisant des départs groupés vers la France, un accueil en bonne et due forme à Roissy, une visite guidée de la Maison de la Nouvelle-Calédonie…. « Un jeune appelé à rejoindre la Métropole, doit pouvoir disposer de tous les renseignements pratiques en temps réel. C’est à la fois un gage d’intégration et de réussite scolaire. »
Un centre éducatif fermé pour les jeunes délinquants Plutôt que d’incarcérer les jeunes délinquants, la province Sud envisage de les placer dans un centre éducatif fermé. Le centre éducatif fermé (CEF) est une structure d’hébergement collectif destinée aux mineurs délinquants multirécidivistes de 13 à 18 ans pour une période de six mois renouvelable. Il s’adresse aux mineurs faisant l’objet d’une mesure de contrôle judiciaire ou de sursis avec mise à l’épreuve. Spécificité de ce dispositif : il articule en permanence la situation du mineur, l’action éducative et le cadre judiciaire. Les jeunes font l’objet d’une prise en charge axée sur l’accueil-évaluation, des activités éducatives et pédagogiques intensives, et l’élaboration concrète d’un projet d’insertion sociale et professionnelle. Le terme « fermé » renvoie à la notion de fermeture juridique définissant le placement. En clair, tout manquement grave au règlement du centre est susceptible d’entraîner une détention. La Métropole compte actuellement 48 CEF qui accueillent au total 528 jeunes. Selon des statistiques datant de 2007, 62% des jeunes ayant transité par les CEF n’ont pas récidivé. Même s’il reste à clarifier la compétence en la matière, la province Sud étudie avec l’Etat les modalités de mise en œuvre de ce dispositif localement. |
Dossier réalisé par Christine Allix