SudForêt : de la graine aux troncs
Actualité publié(e) le 04/02/2013
Relancer la filière du bois, celle qui a construit Nouméa au XIXe siècle, est risqué. Mais avec les progrès de la science et de la lutte contre le feu, le pari de la graine peut se gagner.
La SEM SudForêt a été créée, à cet effet, en juin 2012. Entretien avec son directeur, Philippe Bourgine.
La SEM SudForêt- Le 6 juin 2012, la province Sud a créé, en partenariat avec la Caisse des Dépôts et Consignations et Promosud, une Société d'économie mixte (SEM) baptisée SudForêt
- Les douze agents, ingénieurs forestiers et personnels des semences forestières de la Province sont ainsi aujourd’hui regroupés à Port-Laguerre
- Leur mission principale est de mener un projet pilote sur cinq ans en créant 1 500 hectares cultivés pour le reboisement dans la province. En parallèle, il leur faut aussi fédérer la filière bois en rassemblant toutes les énergies et les structures pré-existantes liées à la forêt
Une équipe soudée à Port Laguerre pour redonner à la Calédonie ses forêts d'antan.
Philippe Bourgine : Nous sommes partis sur une dizaine d'espèces : le pin des caraïbes, deux espèces de kaoris, trois ou quatre espèces d'araucarias, du santal, du chêne gomme, du bois bleu, du tamanou... Cette liste n'est pas exhaustive car elle est basée sur des expériences menées il y a une vingtaine d'années par le CIRAD sur tous les feuillus présents en Calédonie. Le fruit de leurs expériences a été compilé afin de déterminer les espèces les plus intéressantes. Nous avons sélectionné les bois qui avaient été utilisées par l'homme dans le passé et qui présentent des avantages dans la construction, la menuiserie ou l'ébénisterie.
Philippe Bourgine, le directeur de SudForêt, cultive son projet comme un enfant
qu'il espère voir grandir au fil de ses efforts.
P.B. : Nous avons environ 1 100 hectares plantés, essentiellement dans la Plaine du Champs de Bataille, à la Madeleine, Netcha, Ouenarou, Moindou, et le col d'Amieu.
Province : Cela veut dire qu'il reste 400 hectares à planter ?
P.B. : Non. Au cours des cinq prochaines années, il nous faudra avoir planté 1 500 hectares nouveaux et cultivés. C'est ça le vrai challenge. Nous devons planter au moins 300 hectares chaque année. Progressivement, on va monter en puissance.
Province : Cela veut-dire que vous produisez vous-même les graines ?
P.B. : On a un pôle à Port Laguerre de cinq personnes chargées des récoltes, de la germination et du traitement des semences. On va du reste développer une petite pépinière expérimentale en 2013. Et puis nous travaillons avec une douzaine de pépiniéristes privées réparties sur l'ensemble de la Province.
Chaque graine est triée. Elle porte en elle les fruits de l'avenir. |
L'objectif est d'acquérir une auto-suffisance en matière sylvicole en Calédonie ? On ne pourra pas supprimer complètement les importations car il existe des espèces que l'on ne trouve pas en Calédonie. Mais il faut surtout développer une nouvelle industrie du bois local. Votre plus grand danger, ce n'est pas le feu ? Cela reste le danger principal pour le reboisement des espèces locales. Mais on a aussi beaucoup de soucis avec les cerfs. Dans les périmètres situés au nord de la Province, nous sommes obligés de clôturer les zones plantées. Cela représente des coûts supplémentaires qui ne sont pas négligeables. Si on les laisse manger les jeunes pousses, on peut avoir 100 % d'échec. Pour les clôtures et pour le reste, nous passons des conventions avec les fédérations de chasse pour qu'il y ait une action d'élimination soutenue et encadrée. Quelles sont les futures zones à planter ? Quand le projet a été initié en 2009 par Pierre Frogier, on a identifié environ 5 000 hectares de surface disponible. Si on y retranche les forêts existantes, les cours d'eau, les routes, les zones non reboisables, on se retrouve avec en gros 2 500 à 3 000 hectares encore disponibles. Cela suffit largement pour la phase pilote. Ces périmètres identifiés se trouvent essentiellement sur la commune du Mont-Dore, Yaté, Moindou et Bourail. |
Une pépinière expérimentale est mise en oeuvre à Port-Laguerre. Mais l'essentiel des plants viennent des pépiniéristes privés de la province Sud. |
Cette relance de la sylviculture suppose un vrai budget. Nous consacrons 630 millions de francs par an (personnel, fonctionnement du centre de Port Laguerre, investissements, travaux de préparation des terrains...). La province Sud contribue pour 170 millions par an auxquels l'institution a octroyé 1 100 hectares de terrain. La Caisse des Dépôts et Consignations ainsi que Promosud on abondé pour 100 millions chacun. Enfin, des partenaires privés, tels que Vale NC, par l’intermédiaire de son association pour le reboisement, ont offert une centaine de millions. Quand envisagez-vous de dresser un premier bilan de cette opération pilote ? Dans cinq ans, si tout va bien. Nous verrons l'évolution des surfaces plantées. Nous dresserons un bilan sur les coûts de mise en place. Et si c'est positif, l'objectif sera de créer 10 000 hectares de nouvelles forêts. La sylviculture peut aussi créer une nouvelle filière économique ? Nous avons prévu de 100 à 120 emplois. A plus long terme, ce sera 300 emplois par an. Et le temps de retour sur investissement ? Un pin a besoin de 30 ans pour pousser. Les autre espèces, ont besoin d'au moins 100 ans. L'avantage, le vrai avantage, est que le bois local ne souffre pas d'espèces pathogènes. Ni insectes, ni champignons ne viennent le détruire. Si on sait la préserver, la sylviculture représente une vraie économie d'avenir. |
Texte et photos : Frédéric Huillet
Publié le 4 février 2013