Rencontre avec Georgette Nonke, de la tribu de Petit Borendy

Elle habite à 181 km de Nouméa, au bout de la Côte oubliée, à Petit Borendy. Pourtant Georgette Nonke est connue un peu partout en Calédonie. Et bien au-delà. Pour sa profonde connaissance des plantes, son extraordinaire sens de l’accueil et… son fameux gâteau de fruits de palétuvier.

Comme les cinquante habitants de la tribu, Mamie Georgette cuisine au feu de bois.

« Vous êtes combien ? Deux ? Bon, vous vous mettez là, les autres là-bas. Il y a toujours de la place pour tout le monde chez mamie Georgette. » A Ngoi, pas besoin de téléphone pour camper. De toute façon, le portable ne passe pas dans ce petit coin de Thio, au fin fonds de Petit Borendy! Vous arrivez avec votre tente et Georgette Nonke prend les choses en main. A 64 ans, ce petit bout de femme a de l’énergie à revendre. Et un chemin de vie extraordinaire.
« J’ai commencé à voyager à l’âge de 20 ans, grâce au basket - Elle faisait partie de la sélection de la Nouvelle-Calédonie dans les années soixante -, et je n’ai jamais arrêté depuis. Je suis née sous l’étoile du bonheur. » Issue de la chefferie de Borendy, Georgette a fait du sport de haut niveau jusqu’à ce que sa mère, tradition oblige, l’arrête dans son élan. « A ce moment-là, les femmes n’avaient pas le droit d’aller trop haut, confie-t-elle. Heureusement, les choses ont évolué. Elles sont maintenant à pied d’égalité avec les hommes. »
Heureusement aussi pour Georgette, elle avait bien d’autres centres d’intérêt, dont ses six enfants et les plantes.

Héritage des anciens
« J’ai appris à connaître les plantes et leurs propriétés avec ma mère, en allant avec elle dans la montagne et l’écoutant. A chaque naissance, c’était la cueillette. De la plante pour baigner bébé, de la plante à donner à manger à la maman… Nos ancêtres avaient la façon de faire. » Ce savoir ancestral, elle le partage aujourd’hui sans modération, ou presque… « Chaque plante a sa spécialité, son secret et est utilisée pour quelque chose. Je ne les montre pas toutes car certaines sont taboues. »
L’IRD a fait appel à ses services, tout comme l’ADCK. La notoriété ne lui est pourtant pas montée à la tête. « Il faut rester simple. Tu es née kanak, tu resteras kanak. » Mamie Georgette dit s’être enrichie de toutes les personnes qu’elle a rencontrées – « Avec des Européens comme vous, j’apprends. » - et de tous les voyages qu’elle a faits en Métropole, aux Samoa, en Italie et même en Bosnie, un pays qui l’a profondément marquée. « Ce sont des gens simples, accueillants, qui vivent comme nous, de ce qu’ils cultivent. » Découvrir de nouveaux horizons reste l’une de ses raisons de vivre. « En voyage, tu apprends beaucoup, tu t’enrichis. Celui que je veux faire avant le dernier grand vol, c’est la Terre Sainte. »
Car mamie Georgette est profondément croyante. Lors du week-end pascal, c’est elle qui a donné la messe dans la chapelle de Petit Borendy. « Le plus grand voyage que j’ai fait, c’était pour prier. »

Repas partagés

Pour rejoindre la tribu, on peut soit emprunter une piste uniquement praticable en 4x4, ou faire appel à la diligence des pêcheurs locaux.

Chaque jour, c’est le même cérémonial. Elle commence sa journée en priant devant le petit autel installé près de sa maison. Ensuite, elle s’occupe du petit déjeuner. De sa famille et des éventuels campeurs. Le tout en programmant les repas à préparer pour les touristes et toutes les tâches ménagères quotidiennes. « Je fais travailler des jeunes qui sont le besoin et je fais tourner la préparation des repas chez les femmes qui se portent volontaires. »
Partage équitable d’un revenu touristique qui, s’il n’est ni élevé, ni assuré, a le mérite de faire vivre les gens de Petit Borendy. « Quand il y a besoin, je vais tirer mon plant de manioc et on partage tout ce qu’on a les uns et les autres. » Car il y a une tradition que mamie Georgette veut conserver à tout prix, c’est le repas partagé. « Les gens qui viennent chez moi ne se connaissent pas, mais au moins une fois, le temps d’un repas, on se retrouve autour de la même table. Moi, j’amène ma marmite et chacun amène ce qu’il a. Je bénis la table et on mange ensemble. » En racontant son quotidien –«  Je suis bavarde, mais on m’a créé comme ça ! » -, mamie Georgette nous projette dans un monde idyllique où les cultures ne sont plus des barrières insurmontables, mais bel et bien des passerelles. Car, que va chercher le touriste dans des lieux reculés comme Petit Borendy ? Le retour à la vie naturelle certes, mais aussi et surtout cette forme de partage qui disparaît peu à peu de nos villes. « Il faut toujours ouvrir son cœur et essayer de comprendre l’autre. »

Christine Allix


On peut camper sur la plage de Ngoi et
déjeuner chez mamie Georgette.

En fonction des saisons, on peut déguster du
manioc, de l’igname et des bananes poingo cuisinés
à la manière traditionnelle.

Des fruits de palétuvier en gâteau
Mamie Georgette est aussi connue pour avoir retrouvé la recette du gâteau aux fruits de palétuvier. Autrefois appelé « gâteau de la disette », ce dessert était  traditionnellement préparé entre les deux périodes de récolte de l'igname ou en cas de catastrophe naturelle. Les fruits sont battus avec un bâton avant d’être immergés, pendant une quinzaine de jours, dans une eau saumâtre. Une fois souple et friable, la pâte est mélangée avec de la noix de coco râpée et du sucre, puis cuite.