Suite à l’élection du vendredi 16 mai 2014, Philippe Michel est le nouveau président de l’assemblée de la province Sud. Rencontre.
Quelles sont les priorités de la province Sud pour le début de votre mandature ?
Philippe Michel : « La première des priorités est de restaurer l’équilibre budgétaire de la collectivité.
Je rappelle que la « clé » de répartition des recettes fiscales de la Nouvelle-Calédonie entre les différentes collectivités du pays est figée depuis 1988. A l’époque, la province Sud représentait 66 % de la population calédonienne et, dans un souci de rééquilibrage, il avait été décidé de ne lui attribuer que 50 % de l’enveloppe financière totale des provinces. Mais depuis, la situation a considérablement évolué, puisque la province Sud représente aujourd’hui 75 % de la population du pays. C’est ce « décalage » entre notre part des recettes (50 %) et notre population (75 %) qui génère un déséquilibre structurel de notre budget. Globalement, deux tiers de nos dépenses sont consacrées aux interventions sanitaires, sociales et éducatives, ce qui signifie qu’elles augmentent mécaniquement en suivant l’évolution de notre population. Et 90 % de nos recettes, qui viennent de la Nouvelle Calédonie, sont soumises à cette clé de répartition.
Pour résoudre cette difficulté, nous avons comprimé nos dépenses au maximum, transféré certaines de nos charges à la Nouvelle Calédonie et mobilisé toutes nos ressources disponibles. Mais nous sommes arrivés aujourd’hui aux limites de l’exercice.
La seule solution pour rétablir l’équilibre structurel de notre budget consiste donc soit à modifier la clé de répartition, soit à affecter de nouvelle ressources au budget de la Province. C’est le débat que nous voulons ouvrir au Congrès de la Nouvelle Calédonie, sur la base des propositions de loi du pays que le groupe Calédonie Ensemble a préparé.
Dans le premier cas (modification de la clé de répartition) il nous faudra obtenir une majorité des trois cinquièmes, autrement dit obtenir le soutien des formations indépendantistes, ce qui est peu probable. Dans le second cas (affectation directe de recettes fiscales à la province) la majorité simple suffit.
Tous les élus non indépendantistes sont favorables à l’adoption de cette loi du pays et ils l’ont acté dans le « contrat de gouvernance solidaire » que nous avons signé au lendemain des dernières élections. J’ai donc bon espoir que nous puissions régler ce problème pour le budget 2015. »
Vous avez longtemps dénoncé le manque de construction de logements sociaux. Est-ce l’une de vos priorités ?
P.M. : « Tout à fait. La construction de logements sociaux est une nécessité absolue. La Chambre Territoriale des Comptes a indiqué en 2009 qu’il faudrait construire 1200 logements sociaux par an, pendant 10 ans, pour résorber le retard pris dans ce domaine. Or la programmation de construction de logements sociaux pour la période 2011-2015 est de 174 logements par an ! Si nous ne corrigeons pas d’urgence cette situation, nous allons au-devant de très graves problèmes. Je rappelle qu’aujourd’hui, on dénombre 8.000 personnes qui habitent dans des squats, plus de 7.000 demandeurs en attente d’un logement à la maison de l’habitat et près de 1.500 logements sociaux sur-occupés. C’est une véritable bombe à retardement au niveau social... J’ai donc déjà rencontré les bailleurs sociaux, pour examiner lapossibilité de lancer rapidement de nouveaux programmes de construction.
L’autre conséquence de ce ralentissement de la production de logements sociaux, c’est la crise du BTP, qui a déjà subi l’arrêt de grands chantiers liés aux investissements métallurgiques ou aux grands chantiers publics (infrastructures des Jeux du Pacifique, aéroport de La Tontouta, etc.). Si l’on veut relancer l’activité du BTP, il faut donc commander du logement.
J’ajoute que la réduction des programmes d’habitat social est également catastrophique pour le marché du logement en général, parce qu’en aggravant le déficit de l’offre par rapport à la demande, on encourage la hausse des loyers et des coûts de construction sur tous les segments du marché.
Voilà pourquoi je souhaite que la collectivité s’engage résolument dans une politique ambitieuse de production, en améliorant évidemment la qualité de ces logements et des équipements publics qui doivent les accompagner.
Votre mandat de président de l’assemblée de la province Sud s’inscrit dans un contexte particulier. Comment l’abordez-vous ?
P.M : « La mandature qui démarre est cruciale pour notre avenir politique et institutionnel. Pour réussir la « sortie » de l’Accord de Nouméa, nous devons créer les conditions d’un dialogue constructif avec les indépendantistes et l’Etat. La gestion de la province Sud doit donc s’inscrire cette perspective. »